Nu : une nouvelle pour un concours !

Publié le par CC

Le concours, c'est par là : chez FéeMinine.

Et la nouvelle, ben c'est là !!!

Nu.


Deux lettres pour tout dire. Se mettre à nu. Se livrer.

 

Pour tout dire, elle n’est pas du genre à parler d’elle. Aussi bizarre que cela puisse paraître, elle n'aime pas déballer sa vie.

Et contrairement, elle est épatée par ceux qui arrivent à dire ce qu'ils ont sur le coeur comme ça, à parler de leurs problèmes de couple à des collègues...

Dans le fond, ce n’est pas parce qu’elle est lesbienne. Il est vrai que ça ajoute une barrière. Mais elle souffre surtout de sa putain d'éducation judéo chrétienne.  Parler de soi, c'est une sorte de mise en avant insupportable, une prétention, un orgueil mal placé...

Dire "je" ou "moi", c'est impossible...C'est mal poli...C'est péché.

Se mettre nue ? C’est encore autre chose. Dans les douches du gymnase, au lycée, c’était déjà un supplice. Et là, l’amour de sa vie lui proposait des vacances au Cap d’Agde. Un cauchemar pour elle.

 

C’était l’amour de sa vie, pourtant. Alors, il fallait qu’elle apprenne : se mettre nue, du dehors et du dedans.

 

La première épreuve qu’elle se fixa, ce fut de rencontrer un inconnu, n’importe où, dans la rue, dans un train, dans un bar et de lui raconter sa vie.

 

Un matin, elle décida de mettre son projet à exécution : elle rentra dans la cafétéria de la gare et s’assit, après avoir demandé poliment, en face d’un homme entre deux âges, seul avec son café et son muffin.

 

Elle lui adressa d’abord un sourire…Le sourire le plus ouvert qu’elle pouvait. Elle avait longuement réfléchit à ce qu’elle dirait : dans une gare, demander d’où on venait lui semblait l’amorce la plus naturelle.

 

« - Bonjour ! Vous venez de loin ? demanda-t-elle en jetant les yeux vers la gare.

- Non. Je suis d’ici. J’attendais quelqu’un qui n’est pas venu. Je sais qu’elle ne viendrait pas, d’ailleurs. Alors…je ne suis même pas déçu…Je suis plutôt désespéré. J’aime cette femme à mourir. J’ai déjà connu plusieurs histoires d’amour : à mon âge, vous pensez. J’ai eu une femme, pendant 15 ans. On a divorcé. Je l’aimais sincèrement, quand on s’est mariés. Mais avec le temps, tout ça s’est usé…Et maintenant, j’ai rencontré cette femme…C’est une diva…C’est une femme exceptionnelle. Elle n’est pas seulement belle, elle n’est pas seulement douce, elle n’est pas seulement passionnée…Elle est tout ça et bien plus encore : elle est brillante, fascinante, d’une intelligence rare…Et elle fait l’amour comme personne… »

 

Là, ç’en était trop : elle était entrain de perdre son défi et en plus, elle était tombé sur un de ces bavards impudiques qu’elle détestait autant qu’elle admirait.

 

Elle se leva brusquement, bafouilla deux trois mots idiots, qu’elle avait un train, qu’elle devait partir, qu’elle lui souhaitait bonne chance…Rouge jusqu’aux oreilles.

 

Elle changea de bistrot, bien décidée à mener à bien son affaire. Il fallait qu’elle arrive à dire au moins une ou deux choses personnelles sur elle-même. Dire au moins qu’elle est lesbienne.

 

Elle s’installa à nouveau, au fond du MacDo, à la table d’une jeune femme seule. C’était peut-être plus facile, avec une fille. Elle lui sourit, lui dit un bonjour discret, mais le plus chaleureux qu’il lui était possible. L’inconnue leva les yeux vers elle, répondit à son salut. Ni plus, ni moins…

 

Une ou deux secondes, pas plus, s’écoulèrent…Mais c’était désormais un silence qu’il fallait briser et ça, c’est très difficile pour une timide maladive comme notre héroïne si peu héroïque.

 

Elle se voyait encore échouer bêtement, quand l’inconnue lui demanda :

 

« - Vous venez d’où ? Vous descendez d’un train ? »

 

Elle en restait scotchée, durant quelques instants. Puis elle répondit :

« - Non, je suis là pour parler. Juste pour parler… »

 

Elle se dit soudain que la demoiselle allait fuir…Qu’elle allait la prendre pour une folle…Mais non….Elle resta là, souriante, à l’écoute. Elle se décida donc :

 

« - Je suis lesbienne », débita-t-elle très vite.

 

L’autre demeura souriante, attendant une suite qui ne venait pas. Au bout d’un moment, elle eut un geste interrogatif : elle ouvrit ses mains, elle haussa les sourcils…

« - Et puis ? 

- Ben…j’ai…je…c’est juste que j’ai des difficultés à…me mettre à nu…Alors, je fais des tests…Des défis, exactement…J’essaie de dire des choses à des inconnus, comme ça, pour m’entraîner, pour tenter d’être moins…coincée…Vous voyez ? »

 

Elle avait déballé ça si vite, que toute la bonne volonté de son auditrice disparut d’un coup : elle sourit encore, gênée, cette fois-ci, ramassa ses affaires et bredouilla qu’elle avait un train à attraper…

 

L’échec était moins cuisant…Mais la situation n’était pas vraiment reluisante !

 

Il lui fallait maintenant passer au défi numéro deux : parler d’elle à une connaissance…Par exemple, au boulot. Elle sélectionna la personne avec beaucoup d’attention, elle choisit le moment, organisa la scène. Elle amena le sujet, elle prépara les mots, les phrases, les transitions de son discours avec un soin de grand orateur.

 

Evidemment, le moment venu, elle bégaya, elle rougit, elle hésita et finalement, posa une question qui n’avait rien à voir : imaginez la scène !

 

« - Salut Gisèle, ça va ? T’as cinq minutes, là ? » commença-t-elle…

Gisèle était une collègue vraiment sympa, ouverte, souriante et en plus on pouvait lui faire confiance. Une qualité rare, dans une entreprise : c’était une tombe quand on lui confie un secret…

« - Ça va ! Et toi ? répondit la Gisèle, toujours aussi souriante. Tu as le temps de boire un café, je prends ma pause… »

 

Là, c’était le moment, il fallait parler…

 

« - Ben oui, tiens, ça tombe bien, je voulais te dire un truc… 

- Ah bon ? Je t’écoute…

- Ben…voilà…alors…Pfff…dieu que c’est compliqué… »

 

Rouge comme le sang du taureau sur le sable de l’arène, suante comme le matador à la fin de la mise à mort, elle était là, entre les deux, à la fois le taureau et le torero, ne sachant s’il fallait s’enfuir en courant ou planter ses banderilles…

 

Elle pensa à l’amour de sa vie, aux vacances au Cap D’Agde, aux défis qu’elle se devait de relever…Elle voulut parler, elle bégaya :

« - Bon, tu sais, je suis lesbienne…Et…enfin voilà…quoi… »

 

Encore une fois, le silence s’imposa…Gisèle connaissait bien sa collègue. Elle ne pensa pas à fuir. Elle tenta de comprendre, elle relança la conversation :

 

« - Tu sais, ça ne me dérange pas, c’est pas un problème, aujourd’hui, les gens sont plus ouverts, à ce sujet… 

- Oui, je sais, c’est gentil, merci, ce n’est pas le problème… 

- Ah bon ? Ce n’est pas le problème ? Alors tout va bien ! Tant mieux ! Je suis heureuse que tu me l’aies dit !

- Oui…mais non, enfin, d’accord, merci…C’est sympa d’être à l’écoute…Excuse-moi, je suis maladroite…Ce n’est pas ce que je voulais dire…Enfin si…mais pas que ça… »

 

Gisèle fronça les sourcils :

« - Ce n’est pas ça ? C’est quoi alors ? Fais-moi confiance, tu peux tout me dire ! Tu sais, j’en sais des choses sur les gens de cette boîte…Et je n’ai jamais rien dit…Ma réputation, c’est la discrétion ! Que veux-tu me dire ? 

- Ben…ça veut pas sortir…Désolée, je ne peux pas…Voilà…Je suis lâche, faible, nulle… »

 

Mine de rien, elle venait d’en dire, des choses…N’empêche que Gisèle crut comprendre. Elle pâlit…

« - Tu ne voudrais pas me dire que tu craques pour moi, par hasard ? Parce que bon…Je suis désolée, mais…non ! 

- Non, non, ce n’est pas ça du tout, se défendit-elle…

 

Mais Gisèle avait déjà tourné les talons : la pause était finie…

 

La victoire était loin d’être glorieuse…mais c’était mieux que rien…

 

Elle décida donc de faire le dernier test : allez dans un hammam naturiste. Le grand saut contrôlé : dans la pénombre et dans la vapeur, elle ne risquait quand même pas sa vie…Mais ce qui semble à chacun un petit pas, lui paraissait un gouffre à franchir…

 

Dans les vestiaires, elle s’emmitoufla dans sa serviette. Elle courut presque pour rejoindre le hammam. Une fois à l’abri des regards, elle se dévoila le cœur battant et le feu au joues. Elle était belle pourtant. Elle avait une chute de reins merveilleuse, des petits seins tendus et pointus comme des jolies poires du mois de septembre. La douce atmosphère du lieu, la lumière très diffuse arrondissait encore ses formes chaudes et harmonieuses.

 

Dans l’ombre, il y avait Charlotte. Depuis le début, elle observait cette jeune femme qui paraissait si timide, si réservée…Elle l’avait trouvée belle, tout de suite, elle avait aimé le fard que sa crainte lui mettait aux joues…Comme si elle avait tout deviné dès le premier regard…Alors elle s’approcha d’elle, et commença à la frôler, comme si de rien.

 

Curieusement, notre héroïne avait laissé tomber toutes ses inhibitions. Elle se laissa faire et les caresses de Charlotte se transformèrent bientôt en désir, en soupirs, en baisers passionnés…

 

Le dernier test était réussi…Pourtant, elle ne partira jamais au Cap d’Agde en vacances…

 

Ça, c’est Charlotte qui lui a promis !

CC

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M
Cette nouvelle est très belle et très bien écrite, on la lit d'une traite. Ca donne vraiment envie de savoir ce qu'il va advenir de l'héroïne. Félicitations, c'est génial !
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