Qu'est-ce qu'être prof, aujourd'hui...?
(Un texte écrit il y a quelques temps...C'est pour ça que Chirac est encore président...Et Sarko ministre !!!)
Je crois que l'enseignement change, en permanence. Pour moi (qui ai 2bip ans) les cours que j'ai eu au collège et au lycée et ceux que je donne aujourd'hui, n'ont plus rien à voir...
Des profs soixante-huitards, oui, il y en a encore quelques uns, mais fais le calcul, beaucoup sont déjà partis en retraite. Et les jeunes profs dont je fais partie, ont développé un esprit critique grâce à l'IUFM, depuis une dizaine d'année. Non pas parce que l'IUFM nous l'a inculqué, mais contre ce que l'IUFM a voulu nous inculquer.
Je connais assez peu de profs faisant directement le trajet licence, concours, enseignement. Moi, j'ai donné des cours à la fac, j'ai fait des remplacements, des cours particuliers (et j'ai aussi travaillé dans une banque, dans un restaurant, dans une boulangerie...). Beaucoup galèrent longtemps comme vacataire, contractuel, avant de rentrer à l'EN. La meilleure des formations, dans ce métier, c'est le terrain. Je crois que les enseignants actuels, du fait qu'il y a peu de places aux concours sont mieux formés qu'avant. Même si ça peut sembler paradoxal.
Ensuite, je suis prof de français. Que dois-je enseigner à mes élèves, si on résume un peu vite ?
- Apprendre à lire, ce qui signifie, au sens large, apprendre à décoder le monde dans lequel nous vivons : lire un texte, mais aussi lire une image, une vidéo. C'est dans les programmes.
- Apprendre à écrire : c'est à dire à s'exprimer par ce biais. Ce qui comporte trois pôles : comprendre le code et être capable de l'utiliser. Comprendre que ce code représente une norme sociale et que savoir l'utiliser représente bien plus qu'une éventuelle bonne note à une dictée...(cette chère dictée presque morte dans les programmes, d'ailleurs), et le troisième pôle, c'est un pôle d'excellence : être capable d'exprimer avec finesse ses idées, grâce à l'écrit. Ce doit être le but ultime, en terme d'écriture.
- Enfin, je dois apprendre à mes élèves la maîtrise du code oral. Là encore, il faut leur faire comprendre les différentes possibilités en la matière, leur faire comprendre que c'est grâce à la maîtrise de ce code qu'il vont donner un image d'eux. A l'IUFM, on parle de savoir-être. Même si c'est un terme à la con, ça représente bien l'idée qu'à l'école on doit apprendre à se conduire en société.
Quand à la culture, il est évident que c'est un de mes buts, personnel, cette fois-ci. Parce que ce n'est pas un but central dans l'éducation à mon grand regret. Du moins, c'est un constat que je fais : quand il m'arrive d'apprendre à des élèves de 5e (12-13 ans) ou de 4e, ce qu'est la Joconde. Il m'arrive de me rendre compte que pour eux, tous les rois de France sont un seul et même Louis XIV, que Chirac cumule les rôles de Premier Ministre et de tous les autres ministres, d'ailleurs, en plus de président (quand ce n'est pas Sarko qui est président, parce qu'on le voit beaucoup plus à la télé...) Quand le 11 novembre est la commémoration des attentats New-yorkais...Et j'en passe...Il y a du boulot...
Vaste programme, donc. Je ne suis pas sûre d'y arriver. Pour deux raisons :
- Il y a une quinzaine d'années il y avait 9-10 de français par semaine en cinquième, par exemple, et aujourd'hui, il n'y en a plus que 4-5...
- Les élèves nous arrivent (en tout cas, là où j'exerce, c'est à dire dans une zone défavorisée socialement) de moins en moins éduqués.
L'écart entre ces deux choses ne permettrait à personne de réaliser la mission qui nous incombe...
Une dernière chose : ce métier est usant. Je ne le ferai pas toute ma vie. J'en ai la certitude depuis que je l'ai commencé. Et cette certitude est renforcée à chaque fois que je rentre dans une salle des profs à l'heure du café. Je ne veux pas devenir aigrie, je ne veux pas me voir recroquevillée sur des pensées qui n'ont plus aucun rapport avec le monde actuel...Car il est clair que c'est le cas de beaucoup de vieux profs...
Voilà...
Ce sont seulement des réflexions, des ébauches de réflexions, même.
CC