Puzzle
Il était déjà midi, avec tout ça. L’heure d’aller manger une salade avec son pote Fabrice. Enquête ou pas, il y a des rituels qui ne se sacrifient pas !
Fab l’attendait comme toujours à la table 3 du Petit Bonheur, le resto où ils avaient l’habitude de se retrouver. Le lundi, c’était une salade paysanne ou au chèvre pour Charlotte, une bavette avec des frites pour son compère. La plupart du temps. Ce jour-là, Charlotte demanda à Fab de ne pas prendre de viande saignante. Il la regarda en riant déjà :
« - Ben quoi ?! T’as tes règles ? »
Des fois, elle en avait marre de ce copain-là. Il pouvait vraiment être lourdingue.
« - T’es con. Je suis pas d’humeur, je te préviens. J’ai un truc qui me tombe dessus, je ne te dis que ça…
- Ben quoi ? Raconte…
- C’es une enquête. En fait, c’est THE enquête. Tiens, ça va te plaire, toi qui est fan de ces séries débiles américaines, là. Comme dans les Experts : du sang partout…Un crime qui semble bien tordu…
- Génial !
- Arrête…Je suis pas d’humeur, je te dis. La vie, c’est pas comme à la télé, merde ! »
Après ça, comme Charlotte avait haussé un peu le ton, Fabrice avait fait preuve d’un peu plus de tact. Il s’était juste contenté de raconter un peu son week-end. Il n’avait pas fait grand-chose, un peu de vélo, beaucoup de télé. Il était donc un grand fan des séries américaines, il s’identifiait à mort aux personnages caricaturaux de ces téléfilms. Parfois, ça tournait au ridicule, mais il assumait complètement : il s’en faisait même tout un spectacle. Il se mettait à mâchouiller une branche de ses lunettes de soleil, il prenait la pose, une main sur les hanches, campé sur ses jambes écartées et un peu arquées, il faisait une imitation à se tordre d’Horatio Caine, l’espèce de cow-boy débile des Experts Miami.
Il faisait beaucoup rire ses collègues, dont Charlotte, mais elle savait mieux que les autres qu’il était en fait un grand tendre, presque encore un adolescent, qu’il était rentré dans la police par conviction, pour défendre la justice et qu’il était quelqu’un de bien.
A la fin du repas, Fabrice voulut même payer l’addition pour se faire pardonner ses maladresses.
CC